Paul Morand sur Maurice Garçon

Dans un précédent article, j'ai repris quelques passages du discours de Me Jean-Marc Varaut sur Me Maurice Garçon.

Paul MORAND, ayant été élu par l'Académie française à la place rendue vacante par la mort de Maurice Garçon, a prononcé son discours, lors duquel il est d'usage de faire l'éloge de son prédécesseur.

Voici quelques extraits de l'éloge qu'il fit de Me Garçon, dont vous trouverez l'intégralité ici :

"En des plaidoiries où le Droit et les Lettres se tiennent par la main, possédant ses dossiers à fond, parfois hautain, jamais pompeux, toujours courtois, mais bon jouteur, Maurice Garçon, excellent civiliste, sut parfois donner leur fait à des Moro-Giafferi et à des Floriot. (...)

"Les plaidoiries de Maurice Garçon sont, à elles seules, un modèle d'éloquence judiciaire ; mais comme il l'a dit lui-même, "du discours oral, il ne reste rien, lorsque la voix s'est tue".  Ce fut la fin des longues périodes, avec citations latines, et effets de manche à la Daumier.  Les deux mains immobiles sur la barre, les yeux fixant le juge, de style correct, plutôt froid, avec immédiate appréhension du sujet, mots tombant juste.  Maurice Garçon appartenait à cette école de la brièveté qu'inventa Henri Robert (dont il avait adopté la raie médiane de cheveux).

"Vous classerai-je, Monsieur ? demandait, ici-même, André Siegfried en recevant Maurice Garçon.  Esprit sans préjugés, sans grande ambition, dans une profession si fière de ses anciennes libertés, Maurice Garçon resta un isolé, qui ne rechercha jamais les privilèges corporatifs, les maîtrises et les offices traditionnels.  Un moderne cabinet d'affaires, avec travail collectif, télex et central téléphonique, comme dans les bureaux des lawyers américains, lui eût fait horreur.  "Je suis un artisan" aimait-il à dire.  Il eût pu prendre fièrement, comme cri de guerre : En marge

On lira la réponse de M. André Siegfried au discours de réception de Maurice Garçon.  En voici quelques extraits :

"Un beau jour, vous dites à votre père que vous alliez vous inscrire au barreau, que vous seriez avocat.  Il eût préféré une carrière d'armature plus rigide, car il savait que, si le Palais est un magnifique champ d'action pour celui qui réussit, la profession, quand on ne s'y distingue pas, risque de rester plate et commerciale, sans attrait.  Vous n'aviez du reste jamais parlé en public, vous ne saviez même pas si vous étiez doué pour la parole.  C'était un saut dans l'inconnu, vous le fîtes ...  (...)

"Certaines carrières fournissent, plus que d'autres, l'occasion de connaître la nature humaine : l'Eglise, la médecine, la politique, mais surtout le barreau.  Encore qu'il ne se livre jamais tout entier, de même que le malade, le client est bien obligé de faire à son défenseur de singulièrement intimes confidences : des jours inattendus s'ouvrent ainsi pour l'avocat sur des provinces mystérieuses et mal explorées.

"Si l'on avait toujours raison, et surtout entièrement raison, les besoins de la discussion et le respect intégral de la vérité se recouvriraient exactement.  Malheureusement, c'est rarement le cas.  Selon l'auteur des Maximes, "les querelles ne dureraient pas longtemps si les torts n'étaient que d'un côté".  Or, il est bien exceptionnel que, dans une thèse que l'on défend, le bon droit soit tout entier de notre bord, et dès lors l'argumentation n'est plus tout à fait libre de ses moyens.  (...)

"Dans la pratique journalière de la vie, le talent seul ne suffit donc pas, il faut encore du caractère.  Ce talent doit se discipliner par un contrôle de l'orateur sur lui-même car, comme l'a fait observer le moraliste : "il ne suffit pas d'avoir de grandes qualités, il faut en avoir l'économie".  Si cette règle manque, si les dons, même brillants, de la nature ne sont pas au service d'un jugement ferme, d'une personnalité forte, conséquente avec elle-même, sur laquelle on puisse en quelque sorte régler sa position, comme les marins d'autrefois d'après les astres ou les phares, l'autorité ne naît pas, l'orateur reste incomplet."

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