Me Jean-Marc Varaut à propos de Me Maurice Garçon

Voici ce que disait Me Jean-Marc Varaut à propos de Me Maurice Garçon, publié dans la Revue des deux Mondes (cliquez ici pour lire l'intégralité de ce discours en format .pdf) :

" ... il fut d'abord un avocat ; un avocat d'assises et un avocat d'affaires, un avocat lettré et un avocat des lettres et plus encore, selon le mot de Jean-Marc Théolleyre, "une manière d'être avocat."

"Connaissance approfondie du dossier, préparation minutieuse, voire maniaque, logique caustique éprise d'idées claires, heureuse élocution, l'élocution étant prise dans son sens exact, c'est-à-dire art de choisir les mots et de les assembler, simplicité de ton dont l'inoffensive apparence donne à son propos une grande autorité, sont les dominantes de ce que l'on appelle le talent et qu'il vaut mieux appeler sa présence. Maurice Garçon avait à la barre une présence imposante jusque dans ses silences dont il avait le don de savoir jouer et qu'il faisait durer comme à plaisir, jusque dans sa manière de ne pas achever une pensée (…)"

"Il n'était pas un tribun ; il n'avait ni le physique de Danton, ni les saillies de Tixier. D'une élégance à la fois présente et invisible, d'une nonchalance appliquée, il était toujours maître de lui. Hautain, lointain, il était d'un grand sang-froid qui n'était pas sans procédé : il tendait à intimider l'auditeur. Au besoin, à l'audience il feignait de somnoler ou brossait de rapides aquarelles sous le regard navré du Président pour « casser » les effets de l'adversaire. Tandis qu'il se réservait ainsi, rien ne lui échappait ; il était prêt à déployer brusquement sa longue et mince silhouette pour laisser tomber une ironique ou dédaigneuse intervention, dont bien des officiers de police et bien des experts ont fait les frais et qu'il terminait parfois d'un « sortez, Monsieur ! » qui chassait le témoin de la barre. Mais ses apostrophes n'étaient jamais des incartades incontrôlées ou des imprécations vaniteuses, car lui n'oubliait pas que la personne du défenseur est secondaire dans un procès et qu'il doit se sacrifier plutôt que de chercher un succès aux dépens de son client".

"Dans son cabinet de la rue de l’Eperon, où les éditions rares s’empilent à même le plancher, rapporte Jean-Paul Lacroix, dans son Palais Indiscret, il répond lui-même au téléphone, recopie lui-même toutes les cotes de ses dossiers à la main, et en regrettant qu'on ne trouve plus de plumes d'oie. Mon genre, dit-il, c'est l'artisanat. » Tous ses clients - ce sont les juges les plus intolérants - ont rendu hommage à cette minutieuse préparation qui ne laissait rien au hasard. Jérôme Carcopino évoquant à la radio le souvenir de celui qui fut son avocat lorsqu'il fut inculpé devant la Haute Cour et incarcéré à Fresnes, avant de bénéficier d'un non-lieu, a confié avec une gratitude émue qui suffirait à enorgueillir la vie d'avocat qui l'aurait mérité : « J'ai appris alors ce qu'était un véritable avocat. » Cette préparation fait de lui un modèle de labeur consciencieux ; aucun diable ne le détournait en effet du cours régulier de son travail."

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