Au banc de la défense de Me René Floriot

En 1959, paraissait aux éditions Gallimard Au banc de la Défense de Me René Floriot, essai consacré au métier d'avocat.

Ce livre est un régal et n'a pas vieilli.  Les avocats  y retrouveront, parfois avec beaucoup d'humour, de justes observations sur leur métier, sur leurs joies et leurs difficultés.

En voici un petit extrait :

"Nous avons le droit de refuser de plaider un procès.  Le public l'admet et songe rarement à nous en faire grief.

"Par contre, il nous reprocherait volontiers de nous charger d'une affaire pénale qu'il considère comme détestable.  On ne peut s'empêcher d'évoquer les foules indignées qui, jadis, à la sortie des théâtres où l'on jouait le mélodrame, attendaient le "traître", pour le châtier.

"C'est presque aussi ridicule.  C'est en refusant de défendre un homme, sous prétexte que son forfait révolte l'opinion, que le défenseur commettrait une mauvaise action.  C'est précisément parce que cet homme court un plus grand risque qu'on doit davantage voler à son secours.

"Un avocat célèbre répondait à ceux qui lui reprochaient d'accepter de mauvaises causes : "Je serais certes ravi de plaider uniquement pour des archevêques ou des enfants de Marie ; malheureusement, ces personnes sont rarement traduits devant une Cour d'assises."

"Je pense que la rancune du public contre l'avocat qui tente, seul contre tous, de sauver la tête s'explique peut-être par ce sentiment qu'ont les braves gens que le défenseur, en assumant jusqu'au bout sa tâche, excuse un crime qui fait horreur ...

"Il n'en est rien.

"Prêter sa voix à un homme ne consiste pas à essayer de justifier, même partiellement, son forfait, mais bien plutôt à trouver dans son atavisme, dans son passé, dans les malheurs qui l'ont frappé, des éléments susceptibles d'entraîner la bienveillance de ses juges.

"Dès lors, aucun accusé n'est indigne d'être défendu.

"Lors du procès Macia, raconte Henry Torrès dans son beau livre Accusés hors série, on reprochait à Campinchi d'avoir assuré la défense du colonel Garibaldi, dont la félonie était éclatante.

"- Oui, avait-il répondu, j'ai accepté de plaider pour Garibaldi, et demain, qu'on le sache bien, je plaiderai pour qui voudra de ma pauvre parole, parce que je suis avocat ...

"Et chacun d'entre nous, même le plus jeune des stagiaires, peut reprendre à son compte le mot du grand Lachaud :

"- Je ne suis pas tel ou tel avocat, je suis aujourd'hui la Défense.

"Défendre les "indéfendables", tel est notre humble et impérieux devoir.  Et je rougis pour notre profession en relisant les comptes rendus de certains procès célèbres où l'avocat pressenti, par crainte de braver l'opinion publique, a refusé une cause dont j'aurais été fier d'être le défenseur.

"Ainsi, le lieutenant de la Roncière, accusé et condamné injustement pour un crime qu'il n'avait pas commis (il devait, après avoir purgé dix ans de réclusion, être réhabilité) ... ne parvenait pas, treize jours avant l'ouverture des débats, à trouver un avocat qui voulût le défendre.  C'est finalement le grand Chaix d'Est-Ange qui accepta de venir à son secours.

"Quant au maréchal Ney ... l'un de ses défenseurs avait fait pressentir le roi pour savoir si Sa Majesté ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'il assiste l'illustre soldat. Tout commentaire serait superflu."

Admirable passage écrit par un confrère, qui nous en rappelle tant d'autres : Garçon, Naud, Isorni, Vergès, Varaut, ... que vous retrouverez dans la section "La vie d'un avocat" de ce blog.

Henri LAQUAY, avocat au barreau de Bruxelles

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