Confidences d'un ténor du barreau de Paul Lombard

Peu avant sa mort le 15 janvier 2017, Me Paul Lombard se confiait à Laurent Boscher dans un livre "Confidences d'un ténor du barreau" qui sortit en 2017.

Ce livre retrace la vie de l'avocat pénaliste, d'abord inscrit au barreau de Marseille pour ensuite s'inscrire au barreau de Paris.

Ce livre débute par le récit de l'enfance de Me Lombard pour se terminer en 1976 avec l'affaire Christian Ranucci.

On retiendra particulièrement deux chapitres de ce livre, celui consacré à l'un des plus grands avocats français du XXe siècle, René Floriot et, évidemment, le chapitre consacré à l'affaire Ranucci.

Il rappelle la grande différence de style entre Maurice Garçon et René Floriot et le caractère de ce dernier.

Voici quelques extraits de ce livre :

"En face de lui (de René Floriot), pareil à la statue du commandeur, faire-valoir du génie : Maurice Garçon, qui distillait savamment sa renommée dans la dignité et le silence calfeutré de l'Académie française.  Mais Maurice Garçon était davantage une institution qu'un avocat, bien que ses coups de patte fussent terribles et son orgueil corrosif autant que redoutable.  Nous en avons tous fait l'expérience, Floriot en tête, qui le redoutait.

"Si Maurice Garçon était connu d'une certaine élite, Floriot était le seul avocat dont le nom fût familier au grand public.  Certes, il n'était pas le seul, tant s'en faut, à avoir du talent, mais chez lui le savoir-faire était l'égal du faire-savoir, et pour le plus grand nombre, il incarnait à lui seul le barreau comme Picasso la peinture.

"On disait aussi que la publicité autour de son nom était scandaleuse, qu'un jour ou l'autre le Conseil de l'ordre y mettrait le holà, qu'un avocat devait du cénobite imiter la discrétion et la rigueur, que l'exhibitionnisme dont Floriot faisait preuve causait à la profession le plus grand tort et que ce chasseur de femmes, de fauves, de frasques et de fresques n'avait rien à faire au sein du barreau français.

"Apparemment, le fait d'être devenu un mythe  et de le savoir ne le dérangeait pas beaucoup, comme ne paraissait pas le troubler les critiques acerbes dont il était l'objet.  Ce n'est que bien plus tard, devenu l'un de ses familiers, que j'ai pu me rendre compte combien elles le touchaient, lui faisaient mal.  Ce cynique était un tendre, ce provocateur un pudique.

"Ses relations avec la presse exaspéraient surtout les hommes de robe.  L'un d'eux, d'un air soupçonneux, demanda un jour à Jean Laborde, le grand chroniqueur judiciaire : "Mais comment expliquez-vous que vous ne parliez que de Floriot et jamais de moi ?  C'est très simple, lui répondit Laborde.  Quand vous plaidez, mon cher Maître, il s'agit d'une affaire, rien de plus.  Quand Floriot plaide, il s'agit d'une information, rien de moins."

"L'avocat admet qu'un confrère ait du talent, qu'il soit riche, mais il lui reprochera toujours d'être connu.  Ainsi sont les hommes.

"Ceux qui reprochaient à Floriot son côté "vedette" oublient que ce sont les "affaires" qui font la réputation de l'avocat, que ce dernier ne connaît la notoriété que par transparence et la gloire par ricochet.  L'avocat est une planète qui ne brille que par l'éclat de celui qu'il défend.  Quels que soient les mérites et le talent d'un défenseur, il est peu vraisemblable, s'il se spécialise dans les baux ruraux ou dans les ventes immobilières, qu'il intéresse, sauf exception, tel journaliste ou tel animateur de télévision.  Si, en revanche, il est désigné fréquemment par le criminel qui fait la Une des journaux ou qu'il est la vedette dont on parle, même s'il a des pudeurs de jeune fille - ce qui n'était d'ailleurs pas le cas de Floriot -, il deviendra un personnage public, au même titre qu'un artiste ou qu'un homme politique.

"... C'est pourquoi, par la publicité faite autour de son nom, par l'exhibitionnisme de son caractère, par sa présence constante dans l'actualité, Floriot obligea ses contemporains à constater que les avocats existaient encore et qu'une profession capable d'engendrer un tel homme, après tout, ne se portait pas si mal.  L'époque a besoin de tout personnaliser.  Un pays, un art, un métier n'existent auprès de la multitude que s'ils s'identifient à un personnage.

"René Floriot fut pour le barreau ce personnage-là.  Caractère exhibitionniste ?  Goût immodéré de publicité ?  Soit.  Mais un avocat, dans la mesure où son activité professionnelle est exemplaire, a le droit et le devoir d'aller partout où il pourra faire mieux connaître une profession qui est sa raison de vivre.  Même si ces interventions télévisées ne furent pas toutes du meilleur goût, on doit les lui pardonner au nom du service rendu.  Il fut immense.

"A un ancien bâtonnier qui lui reprochait de s'être exhibé aux côtés de Guy Lux et qui eut le malheur d'ajouter : "Décidément, mon pauvre René, tu n'as pas rajeuni !  Mais que veux-tu, on ne peut pas être et avoir été !", Floriot lui répliqua cette phrase au rasoir : "Ce que tu dis n'est pas exact : le contraire arrive parfois.  Ainsi, toi par exemple, tu étais con et tu l'es resté."

Dans la chapitre consacré à l'affaire Ranucci, Me Lombard rappelle le traitement médiatique réservé à cette affaire et les critiques acerbes dont il fut l'objet relativement à son système de défense.

Paul Lombard avec Laurent Boscher
Confidences d'un ténor du barreau
Plon

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Henri Laquay
avocat au barreau de Bruxelles

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