FACEBOOK, licenciement et vie privée

Le 23 novembre 2009, j’écrivais déjà un article sur « Facebook et le respect de la vie privée » (ici). Une Canadienne, qui était en incapacité de travail pour dépression, avait mis des photos d’elle en ligne sur Facebook. L’assurance, ayant pris connaissance de ces photos, avait considéré que la dépression était feinte et avait arrêté de verser les indemnités.

Vendredi dernier, la presse a relaté la mésaventure de trois employés d’une société française licenciés pour avoir écrit sur Facebook qu’il « fallait se foutre de la gueule de leur supérieur » et « lui rendre la vie impossible pendant plusieurs mois ». Un collègue de ces employés, « amis » sur Facebook, a « balancé » les écrits à la société qui a licencié les employés.

C’est exactement le problème que je visais dans mon article du 23 novembre 2009 : un de vos « amis » peut-il livrer à un tiers des informations sensibles, ce tiers peut-il en tirer des conséquences juridiques ? Je visais précisément le fait qu’un collègue de travail prenne connaissance de faits sur votre profil Facebook. Je répondais clairement par l’affirmative. Cette jurisprudence française me donne raison. J’ai été interviewé par TWIZZ RADIO (la radio de la Libre Belgique et de la Dernière Heure) ce vendredi 19 novembre dans l’émission « Le 18-19, Grand Direct de l’Info ».

Je rappelle quelques principes de base :

1/ Facebook est un réseau social. Ces deux mots ont leur importance. Un réseau implique plusieurs personnes. Social signifie qu’il y a échange. Il me paraît illusoire de considérer que vos écrits sur Facebook soient confidentiels ou relèvent de votre vie privée. Si vous avez un profil public, la question ne se pose même pas. Tous vos écrits sont publics et rien ne relève de votre vie privée. Si vous avez un profil privé, que seuls vos amis peuvent consulter, vous avez certainement des dizaines, voire des centaines d’amis. Peut-on encore parler de vie privée si des dizaines, voire des centaines de personnes ont accès à vos états d’âme, à vos photos (qu’on peut enregistrer par un simple « clique-droit »), à vos activités, … ?

2/ Je ne le répèterai jamais assez : gardez un profil privé, limitez le nombre de vos amis qui doivent être de vrais amis. Même à l’attention de vos amis, ne mettez sur Facebook aucune information sensible, évitez tout type de dénigrement.


Du point de vue droit du travail, un licenciement pour faute grave sur base d’informations recueillies sur Facebook serait-il possible en Belgique ?

Le motif grave est défini à l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 comme étant « toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur ».

La jurisprudence belge a considéré que des insultes et des calomnies dirigées contre l’employeur constituaient bien un motif grave de licenciement, de même que le refus d’exécution du travail et tout acte manifeste d’insubordination.

Dans le même ordre d’idées, écrire qu’on va rendre la vie de son supérieur impossible pendant plusieurs mois, qu’on va ainsi lui porter préjudice et, en conséquence, porter préjudice à la société, pourrait évidemment constituer une faute grave.

Le fait que ce soit un de vos « amis » sur Facebook qui ait pris connaissance de vos écrits n’y change rien. Votre « ami » a pris connaissance de manière légale de cet écrit et il l’a remis de manière toujours légale à votre employeur qui peut donc en faire état.

Restez donc très prudent sur les réseaux sociaux.

Pour lire mes articles sur « Facebook », cliquez ici.

Henri Laquay,
Avocat au barreau de Bruxelles,
Licencié spécial en Droit social.

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