La plaidoirie


Quantités de livres ont été publiés sur l'éloquence.

Il en est un différent des autres : "Convaincre. Dialogue sur l'éloquence" qui se présente comme un dialogue entre deux avocats du barreau de Paris, Me Thierry Lévy et Me Jean-Denis Bredin, ce dernier de l'Académie française.

Ce dialogue nous replonge dans l'univers des sophistes, de Démosthène, de Cicéron et nous rappelle les règles classiques de l'éloquence, les procès de Marie-Antoinette, de Flaubert, de Baudelaire ou du général Salan défendu par l'extraordinaire Jean-Louis Tixier-Vignancour.

Existe-t-il des règles d'or pour un être un excellent plaideur ? Non, mais il faut suivre quelques principes. Le lecteur, en particulier l'avocat, ne peut rester indifférent à cette histoire de l'éloquence.

Thierry Lévy insiste sur un point capital que j'approuve : "Quelle que soit la finalité de la plaidoirie – et parfois nous venons à l'audience sachant que les chances de succès sont faibles pour ne pas dire nulles -, s'impose à l'avocat une obligation morale qui est de respecter celui qu'il défend et de ne jamais, sous prétexte de plaire ou de persuader, trahir ni la personne, ni sa pensée, ni sa conviction. J'insiste sur ce que j'ai déjà dit : on plaide pour celui qui juge, mais on plaide aussi pour celui qu'on défend. Défendre quelqu'un, ce n'est pas seulement convaincre le juge que celui que l'on défend est un homme honnête, ou qu'il est innocent, c'est aussi ne pas trahir sa personne."

Jean-Denis Bredin rappelle un principe de base :

"Le mauvais avocat est rarement bon. Mauvais avocat celui qui enfonce dix fois le même argument, parce que cet argument lui paraît fort (…). Mauvais avocat celui qui contourne les obstacles, qui évite d'aborder les points difficiles, qui les tait ou les esquive. Souvent des juges m'ont dit qu'une des malades qui menacent l'avocat est de sauter par-dessus les difficultés au lieu de les affronter. Mauvais avocat encore celui qui expose les faits de manière incompréhensible.

"Bon avocat celui qui se fait écouter depuis le début jusqu'à la fin de son discours, et qui persuade peu à peu. Je me souviens que le bâtonnier Fourcade, auquel le juge disait, en un temps où l'on donnait à l'avocat le temps voulu par lui : "Monsieur le bâtonnier, pour combien de temps en avez-vous ?" répondait au tribunal : "Messieurs, cela dépend de vous, non de moi. Je m'arrêterai quand j'aurai le sentiment de vous avoir convaincus." Mais c'était un autre temps.

Il faut se garder aussi d'être trop brillant. A la sortie d'une audience, un confrère s'approcha du bâtonnier Jacques Charpentier et lui dit : "Monsieur le bâtonnier, que vous avez été éloquent !" Et Charpentier lui avait répondu, un peu triste : "Je ne l'ai pas été si vous vous en êtes aperçu …"

Convaincre. Dialogue sur l'éloquence
Jean-Denis Bredin, Thierry Lévy
Odile Jacob poches, 380 pages

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