FACEBOOK ET LE RESPECT DE LA VIE PRIVEE

La presse a relaté la mésaventure d’une Canadienne qui, ayant mis sur Facebook des informations relatives à ses activités, s’est vue refuser par son assurance le paiement d’indemnités d’incapacité.

Il semble qu’elle percevait des indemnités pour incapacité de travail suite à une dépression et que l’assurance, ayant vu quelques photos et ayant lu les états d’âme que la dépressive avait mis en ligne sur Facebook, a considéré que sa dépression était feinte et a arrêté de lui payer les indemnités.

Un tiers (une assurance, un employeur, un conjoint, …) peut-il tirer des conséquences juridiques d’informations qu’il aura collectées sur Facebook ? Je ne connais pas de décision de justice belge ayant tranché cette question. Nous pouvons déjà donner des éléments de réponse.

Chacun me répond qu’il faudrait être fou pour mettre sur Facebook des informations relatives à sa vie privée. Et pourtant, régulièrement, la presse fait état de conséquences juridiques tirées par des tiers à partir d’informations mises sur Facebook. C’est en raison du fait que le Droit est une science humaine d’une grande complexité et que chacun n’imagine pas un seul instant que des informations apparemment anodines peuvent avoir de graves conséquences sur notre vie. Cette Canadienne n’a pas imaginé un seul instant que des photos où on la voit s’amuser en soirée auraient pu avoir des conséquences sur le paiement d’indemnités d’incapacité. Il faut donc être d’une grande prudence et tenir compte de quelques règles simples.

Il faut d’abord faire une distinction entre le profil « public » et le profil « privé » de Facebook. Quand on s’inscrit sur Facebook, on a le choix : soit toute personne inscrite sur Facebook a accès à notre profil, le profil étant toutes les informations que nous souhaitons y mettre (notre date de naissance, notre état civil, notre religion, nos opinions politiques, notre métier, nos photos, etc.), soit seules les personnes que nous avons acceptées comme « amis » ont accès à notre profil.

Si toute personne inscrite sur Facebook a accès à toutes vos informations et partant du fait que tout le monde, sans aucune restriction, totalement librement et gratuitement, peut s’inscrire sur Facebook, il faut considérer que ces informations sont publiques. Il s’agit d’informations que vous mettez librement à la disposition du public sur un site internet. Dans ce cas, ces informations n’étant plus privées, je ne vois pas comment on pourrait refuser à un tiers d’en faire état et d’en tirer des conséquences juridiques. Le premier conseil est dès lors de conserver un profil privé, uniquement accessible aux personnes que vous avez acceptées comme « amis ».

Si seules les personnes que vous avez acceptées comme « amis » ont accès à vos informations, on pourrait considérer ces informations comme privées et ne pouvant être utilisées par des tiers qui n’ont pas accès à ces informations. On peut encore discuter du caractère privé des informations que vous diffusez à vos amis sur Facebook si, d’une part, vous avez des centaines d’amis (votre information reste-t-elle privée ?) et, si d’autre part, comme c’est souvent le cas, vos amis de Facebook ne sont pas de réels amis mais plutôt des connaissances. S’agit-il encore de vie privée ?

Il va de soi qu’un tiers ne peut utiliser des manœuvres illégales pour prendre connaissance des informations que vous mettez sur Facebook. Un tiers ne peut par exemple usurper une identité, ou un mot de passe, pour prendre connaissance des informations mises à la disposition de vos amis. Ce moyen de preuve acquis de manière illégale ne peut, selon moi, vous être opposé.

La vraie question est la suivante : qu’en est-il si un de vos « amis » sur Facebook livre à un tiers des informations sensibles ? Ce tiers peut-il en faire état contre vous ? Qu’en est-il si vous avez commis une faute au travail, que vous en faites état à vos amis sur Facebook et que l’un d’eux avertit votre employeur ? L’employeur peut-il en faire état en justice ? Qu’en est-il si un de vos amis sur Facebook remet à votre conjoint des informations diffusées à vos amis sur Facebook, informations selon lesquelles vous pourriez entretenir une relation intime avec un tiers ? Votre conjoint peut-il en faire état dans le cadre d’un divorce ? Et les exemples, qu’un novice en Droit ne peut imaginer, peuvent être infinis.

La prudence voudrait d’abord que les personnes que vous avez acceptées comme amis sur Facebook le soient réellement dans la vraie vie. Il y a une grande imprudence à accepter comme amis de simples connaissances et, encore plus, de simples connaissances professionnelles.

Ensuite, que le tiers puisse ou non faire état des informations qu’il a recueillies par un de vos amis sur Facebook, il en aura bien connaissance et pourra, avec beaucoup plus de facilités, prouver ces faits d’une autre manière. Un employeur ayant connaissance d’une faute précise commise tel jour à tel endroit par un travailleur pourra mener une enquête parfaitement ciblée et prouver la faute. Le conjoint qui se croit trompé pourra également mener sa propre enquête et trouver légalement des moyens de preuve.

Enfin, n’oublions pas que le Droit permet la preuve par témoins : « Si une partie offre de rapporter la preuve d’un fait précis et pertinent par ou plusieurs témoins, le juge peut autoriser cette preuve lorsqu’elle est admissible. » (article 915 du Code judiciaire). Une vague connaissance que vous avez acceptée comme ami sur Facebook pourrait témoigner des faits dont vous lui avez fait état sur Facebook. Partant de cela, un ami sur Facebook pourrait donner à la disposition de tiers des informations qui peuvent vous porter préjudice. Si le tiers prouve qu’il a eu connaissance de ces faits de manière légale, je crains que cette preuve soit admissible en justice.

En conclusion, sur Facebook et sur tout autre site du même genre, gardez toujours un profil totalement privé, accessible uniquement à vos amis qui sont de réels amis et, même dans ce cas, veillez à ne rien diffuser qui puisse vous porter préjudice et interdisez que des photos ne soient diffusées sans votre accord.

Henri LAQUAY,
Avocat au barreau de Bruxelles – www.laquay.be

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