La vie d'un avocat : la justice à dos de chameaux
A l'instar de plusieurs de mes confrères français qui tiennent un blog, j'inaugure une nouvelle rubrique : "la vie d'un avocat" où sera conté sur un ton que j'entends satirique ou humoristique comment les avocats exercent leur profession, les travers de la justice dont ils sont les victimes ou, parfois, les auteurs.
Ce premier article pour vous faire savoir que la justice belge, comme vous le saviez déjà, est à la pointe du progrès. Soyons clair : le monde entier nous l'envie.
Un exemple ?
Dans le cadre de la défense de leurs clients, les avocats doivent rédiger des "conclusions" qui sont les arguments écrits soumis au juge et auxquels le juge, chargé de trancher le litige, doit répondre. Ces conclusions doivent être "déposées" au greffe du tribunal ou de la cour chargé de juger l'affaire.
En 2008, je ne connais pas une entreprise ou un seul indépendant qui n'utilise pas le courrier électronique. J'utilise le courrier électronique depuis si longtemps que je suis incapable de savoir précisément depuis quand. Je me souviens avoir été un des premiers avocats à l'utiliser. J'ai dû commencer en 1998.
Croyez-vous que les greffes disposent d'adresses électroniques pour envoyer les conclusions ? Bien sûr que non, le courrier électronique est une notion totalement inconnue des greffes. Conscient de cette lacune, notre précédent ministre de la justice avait lancé le projet Phénix pour informatiser la justice, entendez notamment utiliser le courrier électronique. Ce projet fut évidemment un échec total et plus personne n'en parle. J'ai écrit un article à ce sujet.
Pour envoyer les conclusions, il reste encore aux avocats la possibilité d'utiliser le fax, moyen de communication si vieux que je suis incapable de déterminer sa date de naissance. Croiriez-vous que certains greffes ne disposent pas de fax ? C'est pourtant le cas. La Belgique n'étant pas pour rien le centre mondial du surréalisme, certains greffes disposant de fax refusent que les conclusions soient faxées. Excuse ridicule : sur les conclusions doit être apposée la signature originale et un fax n'est qu'une copie. Je dis que cette excuse, digne du 19e siècle, est grotesque. Un fax ne pourrait pas garantir l'authenticité des conclusions, me dit-on. N'importe qui peut envoyer des conclusions par fax. C'est vrai. Mais n'importe qui peut également déposer des conclusions en imitant une signature. En réalité, je suspecte les greffes de refuser l'envoi par fax pour économiser du papier et de l'encre.
Alors, que reste-t-il à l'avocat pour déposer ses conclusions au greffe ? Sachant que les conclusions doivent être déposées à des dates précises et que la poste est coutumière des retards, il évitera la poste. Sauf évidemment si c'est un aventurier qui aime le risque. Alors, comme au 19e siècle, il ira personnellement déposer ses conclusions au greffe et perdra le temps de son aller-retour.
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